Depuis l’apparition de l’homme, la forme la plus parfaite de la création, des individualités incarnant le courage et la bravoure se sont fait remarquer. Ces deux vertus s’entendant moins du point de vue physique que moral, leur ayant permis d’atteindre un niveau élevé de foi, bien loin de ce qu’offrait leur société jusqu’ici, au point qu’il leur fût témoigné une indéniable élection divine, dans bien des aspects, notamment dans la transmission du message éternel, confié aux prophètes, que le Salut de Dieu soit sur eux !
Parmi ces illustres figures emblématiques dont l’histoire a retenu les noms, figurent celles avec qui Dieu a signé un pacte d’alliance. Ils ont vécu sous l’étendard de la Sunna et leur vie est comparable à l’exploit de traverser un océan de sang jusqu’à en sortir sans la moindre tâche. Ils le doivent à leur courage, leur perfection et la conformité stricte avec les enseignements du noble prophète Mohamed PSL.
En terre sénégalaise, EL Hadji Malick SY compte parmi ceux-là. Sa vie et son œuvre représentent un viatique incommensurable dans la quête du bien-être de l’homme. D’un courage conçu et bâti sur la foi dans l’esprit des hommes de foi ; sa force ne s’appuie point sur l’arme ou le matériel, mais sur la vérité et la confiance totale dans le soutien entier et l’aide exclusif d’Allah.
C’est un modèle de courage, inspiré et guidé par le Seigneur qui lui apporte soutien et réconfort. Elle ne s’appuie point sur lui-même mais sur sa foi en Dieu.
A cet effet, dans la vie et l’œuvre d’EL Hadji Malick SY, il existe des exemples parfaits de courage dans le suivi du prophète Mohamed PSL envoyé pour guider l’humanité vers le salut final.
Il hérita cette noble et exaltante mission et se distingua parmi les rénovateurs et les lanceurs d’alerte de cette meilleure communauté, envoyés au début de chaque siècle pour réorienter ses adeptes et rénover ses enseignements.
Et par la faveur de cette grâce divine, EL Hadji Malick SY fut investi de cette place élevée et de ce rôle de haut niveau pour construire des consciences propres, responsables et libres, capables de prendre en charge les questions en perpétuelle mutation liées à l’Islam et à l’homme.
Il existe, sans nul doute, une relation dynamique entre l’individu et son époque, entre l’individu et son environnement, notamment quand il s’agit des grands hommes qui occupent une place importante dans leurs sociétés. C’est pourquoi, il est si important de mettre en lumière l’époque dans laquelle EL Hadji Malick SY est né et a vécu, pour constater son impact réel sur sa vie.
EL Hadji Malick SY a vécu sous l’autorité coloniale française qui croyait détenir la légitimité politique dans ce pays pour l’avoir colonisé et pacifié. Cette occupation n’a engendré pourtant que confits, tueries et complots à l’encontre des marabouts.
Les érudits et rois qui refusèrent de se plier à leur politique ont tous vécu des situations extrêmement difficiles. Ils éprouvèrent surtout les grandes figures qui se réclamaient de la confrérie Tidiane.
La situation sociale comme celle politique n’était pas du tout reluisante à cette époque. Il y avait une absence totale de justice sociale. Certains rois, en complicité avec les autorités coloniales françaises, demeurèrent au sommet de la société et menèrent une politique sociale tyrannique sur le reste de la population.
Ils les contraignirent à les obéir au doigt et à l’œil. Ils avaient tous les pouvoirs – y compris de vie et de mort – et occupaient toutes les fonctions importantes aux dépens du reste du peuple, réduit en état de servilité et de privation de toutes sortes. Pareille situation était un terreau fertile à la pauvreté, aux maladies et épidémies.
En dépit de la situation politique et sociale très sombre, il y avait de l’éclaircie dans le domaine de la religion. Des écoles coraniques apparurent dans plusieurs provinces du pays ; quoiqu’avec un contenu assez sommaire et une application déficitaire. En effet, les maîtres qui les dirigeaient, enseignaient sans éduquer. Ils ne semblaient pas préoccupés par la transmission des valeurs fondamentales de l’islam. Ils misèrent beaucoup plus sur la lettre que sur l’esprit de la religion. Une pratique qui emprisonne le message de l’islam.
El Hadji Malick Sy, également connu sous le nom de “Mame Maodo,” est une figure majeure de l’Islam au Sénégal, particulièrement dans la confrérie Tijaniyya. Né en 1855 à Gaya, un village situé dans la région de Dagana (actuel Sénégal), El Hadji Malick Sy appartient à une famille noble de la tribu des Torobé, qui est une branche de la grande famille des Haalpulaar.
Il est le fils d’Ousmane SY fils de Muhaz (plus connu sous le nom de Demba Bouna), fils de Mohamed, fils d’Aly, fils de Mohamed, fils de Yusuf, fils de Dramane, fils de Sira, fils de Bouba, fils de Malick,fils d’Ahmed, fils de Daouda, fils de Boubacar, fils de Cherif Chams Ad- dîn.
Il est le fils de Fatima Wade Wélé, fille de Boté Faye, fille d’Abdourahmane Faye et de fatimatou Al Ançariya.
Tous les documents écrits et oraux sont unanimement d’accord qu’EL Hadji Malick SY est né à Gaya, par contre, sa date de naissance demeure toujours incertaine. Ainsi, on peut retenir les dates suivantes : 1842, 1850 1852, 1853, 1854, 1855, 1857.
N° | Maîtres | Matières | Localités |
01 | Ngagne Ka | Coran | De Gaya à Thiarène |
02 | Abdou Bitèye | Coran | Longué (Podor) |
03 | Ahmed Sarr | Coran | Thiarên |
04 | Mohamed Top | Coran et Théologie |
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05 | Magueye Awa | Droit (Al-ahdary) | Ngad-Demba |
06 | Mor Diop | Droit (Risâla) | Keur Koddé- Allasân |
07 | Mour Kalla Sèye | Grammaire et exégèse | Taîba Sèye |
08 | Ibrahima ou Birahima Diakhaté | Droit (Khalîl 1ère partie | Gnâbali, dans le Ndiambour |
09 | Mayoro Fall22 |
| Nguîk Fall |
10 | Abdoulaye Cissé | Métrique / ‘Arûd) | Djiâmal |
11 | Masylla Mâné | Grammaire (Alfiya) et droit (Khalîl 2ème partie) | Thilla Dramân ou Mbakol (Cayor) |
12 | Mour Sine Kane | Théologie et exégèse | Ndongo, au Walo |
12 | San Mossé Ndiaye | Droit (Risâla) | Bokol, prés de Gaya |
13 | Modou Batchou | Droit | Keur Fodé, prés de Louga |
14 | Mamadou Wade | Droit | Nguîk, à l’Est de Sakal |
15 | Ahmeth Ndiaye Mabèye | Philologie (Maqâmât / Chu’arâ) | Saint-Louis |
16 | Tafsîr Yoro Bâl | Grammaire (Lahmirâr) | Saint-Louis |
17 | Mohamed Fall Ibn Fegh | Coran: warch / Qâlûn / Nâfi’ As-sihah As-sitta | Mauritanie |
18 | Ahmad Ibn Cheikhna Bad | Hadiths | Mauritanie |
19 | Muhamad Aly Al-yaqûbî | Soufisme et vertus | Mauritanie |
N° | Maîtres | Diplômes en | Dates |
1 | Mohamed Aly Al-yaqûbî | As-sihâh As-sitta / Al-muwata | 1311 H / 1893 J.C |
2 | Mohamed Fall Ibn Fegh | Lecture du Coran : Warch et Qâlûn | 1318 H / 1900 J.C |
3 | Mohamed Hâfiz Ibn Khair | Hadith et ses sciences |
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Bref, après avoir parcouru presque toutes les provinces du pays et acquis ce qu’il put acquérir en savoir et en expérience, il retourna à Gaya, son village natal. Il y resta un moment. Il retourna à Saint-Louis auprès du grand maître Cheikh Ahmed Ndiaye Mabèye. Il y resta une durée pour enseigner. Puis il voyagea en Mauritanie pour rendre visite à son marabout Mohamed ALY Al-yaqûbî.
De son retour de la Mauritanie, il séjourna quelques temps à Saint-Louis. Chemin faisant, il fit la connaissance de Sokhna Rokhaya Ndiaye qu’il épousa en 1879. Elle lui donna Sidy Ahmed SY (1883 – 1916), Ababacar SY (1885 – 1957) et leurs sœurs.
Epoux exemplaire et préoccupé par l’entretien de sa famille, il mit momentanément fin à ses études, probablement en 1881 et alla à la recherche des moyens de subsistance.
Il entra dans le secteur de l’enseignement à Saint-Louis. Il enseignait pendant la saison sèche et pratiquait l’agriculture pendant la saison des pluies à Gandiol. Il gagnait ainsi sa vie correctement. Il terminera ses études en 1885.
Après des années passées entre l’agriculture et l’enseignement entre Saint-Louis et les villages environnants, il retourna de nouveau à Gaya où sa mère, pour le retenir dans son village natal le plus longtemps possible et lui garantir une vie stable, le maria avec Sokhna Safiétou Niang, une parente, en 1887. Elle lui donna Mouhamadou Mansour SY (1900 – 1957), Abdoul Aziz SY (1904 – 1997), Mouhamadou Habib SY (1906 – 1991) et leurs sœurs.
En 1888-89 pour certains ou 1889-90 pour d’autres, Malick SY quitta le pays pour accomplir le pèlerinage à la Mecque. Après avoir terminé ses obligations et sa visite au mausolée du prophète Mohamed PSL, il émit des vœux pour cinq choses à son Seigneur.
A son retour au pays et après s’être rendu à Gaya pour rendre visite à sa famille, et avant de prendre toute décision pour planifier une nouvelle stratégie, Malick SY, l’auguste pèlerin qui porte désormais le titre d’« EL Hadji » s’est rendu au Djolof auprès de ses oncles paternels.
Après ses visites de courtoisie, il se rendit au village de Waq’qé dans le Ndiambour, puis à Mégnelé, plus précisément à Keur Bâsin où il y laissa Mor Amina SY et Ngor Sâné Niang. Il poursuivit son périple avec certains de ses premiers disciples jusqu’à Saint-Louis où il resta une année avant de retourner à Keur Bâsin qu’il quitta à nouveau pour descendre à Nguik Fall dans le Ndiambour.
De Nguik Fall, EL Hadji Malick SY retourna à nouveau à Saint-Louis pour une durée cette fois plus longue que prévu. Il mit à profit ce séjour pour mieux connaitre les particularités de cette ville, la première capitale sénégalaise de 1872 à 1957 : sa civilisation, sa culture, ses réalités et les rouages de l’administration coloniale française.
Ce séjour fut un test grandeur nature pour démarrer son projet d’orientation. Il fallait gérer la méchanceté de l’adversaire, la lâcheté des ennemis et, d’une politique intelligente, contenir et gérer le soutien des sympathisants. Erudit d’une intelligence inédite, il ne comptait pas s’opposer aux français par l’arme à feu ou par l’épée, mais plutôt par l’intellect.
EL Hadji Malick SY ne semblait nullement prêt à s’accommoder avec l’administration coloniale : il n’attendait rien d’eux en termes de prébendes. Il avait juste besoin de liberté d’expression, d’action et de culte pour bien mener sa mission. Connu pour sa constance dans la pratique religieuse, sa prévenance envers ses semblables et sa bienveillance toute particulière, synonymes d’attraction et de sympathie, EL Hadji Malick SY suscita chez certains imams du milieu religieux une jalousie viscérale.
Ainsi, il bénéficia une superficie de terre dans la maison d’Abdoulaye Seck pour pratiquer ses obligations religieuses quotidiennes. Devant l’accroissement rapide des disciples, on lui octroya un terrain et il y construisit une petite mosquée qui deviendra plus tard la Zâwiya de Saint-Louis en 1892.
Au fur et mesure qu’il avança, son appel enregistra de plus en plus de monde. Toutes les couches de la population de Saint-Louis, à quelques exceptions près, tombèrent sous son charme. Hop ! Les railleries, les moqueries et les scènes de jalousie firent leur apparition. Cela inquiéta le colonisateur qui commença à le surveiller de près.
Pour fuir cette vie devenue odieuse et infestée de persécutions, d’humiliations et de scènes iniques, il décida de retourner à Keur Bâsîn. De là, il alla s’installer à Ndiarndé pendant sept ans de 1895 à 1902, dans l’espoir d’y trouver meilleur accueil pour faire triompher son appel.
Son arrivée fut un jour de joie, un jour inoubliable. Les habitants sortirent pour lui réserver un accueil digne de son rang.
Lorsqu’il s’aperçut que le village s’adaptait bien à son projet d’enseignement, il commença à se mettre au travail et entreprit d’asseoir les fondements de son projet. Il exprima ses besoins qui furent immédiatement satisfaits.
Désormais, EL hadji Malick SY vit toutes les prières qu’il avait formées à la Mecque exaucées. Dès lors, il peut démarrer son programme d’enseignement axé sur quatre volets : l’instruction, la spiritualité, la socialisation et l’économie.
Ce qu’on peut retenir dans ces volets, c’est l’étude des valeurs morales et éthiques et les principes de base de l’Islam enseignés par le prophète Mohamed PSL et qui constituent le fondement de l’enseignement d’EL Hadji Malick SY, autrement dit la base d’une nouvelle identité culturelle.
C’est un enseignement d’essence éminemment religieuse qui exprime la vocation spirituelle qui est la finalité recherchée de toute adoration observée. La formation qu’il compte mettre en œuvre se veut universelle ; une contribution à l’instruction, à la spiritualité, à la socialisation et à l’économie. Il permet de redonner à l’homme son statut d’humain imbu de tous ses droits et devoirs.
Le volet le plus efficace dans cette formation qui est même la base, et c’est de loin le plus important, est celui de l’instruction. Pour EL Hadji Malick SY, la lutte contre l’analphabétisme et l’ignorance est une obligation continue destinée à protéger l’homme. Pour lui, pour jouir de sa dignité d’homme, l’individu doit être libre, et cette liberté ne sera jamais possible qu’à une condition : l’éducation au sens large du terme. C’est ainsi qu’il nous appelle à revivifier la religion par ce premier volet qui est le savoir.
La formation spirituelle qu’impose EL Hadji Malick SY repose sur un soufisme social et populaire, celui de vivre parmi les siens. Pour lui, le maître soufi ne doit pas être dans une tour d’ivoire, regardant d’en haut ses disciples, encore moins introverti et d’humeur versatile, se coupant totalement du monde, favorisant ainsi le culte d’un mythe autour de sa personne. Il doit se mouvoir dans sa communauté, traduisant quotidiennement les principes de l’Islam par son intention, sa parole et son acte.
Soucieux d’exactitude, EL Hadji Malick SY met en garde les musulmans contre les faux marabouts qui utilisaient la vie spirituelle pour tromper et faire penser qu’ils ont atteint un niveau de spiritualité qui peut les mettre à l’abri de toute impéritie, leur permettant par-dessus tout de prendre des libertés avec les lois islamiques.
Au cours de ses différentes pérégrinations, EL Hadji Malick SY constate une inégalité sociale qui ne dit pas son nom, avec l’apparition de nouvelles élites, mais aussi de nouvelles couches sociales généralement défavorisées et marginalisées.
Pour remédier à cela, il instaure dans son processus éducatif au cours de ce séjour, une nouvelle dynamique de restructuration de la vie sociale en formant de nouveaux modèles sociaux accomplis.
Ainsi, il comptait s’appuyer sur cette nouvelle élite pour mettre en place des synergies pour arriver à un résultat socialement positif. L’objectif final était de faire du musulman, et particulièrement le disciple tidiane, un relais de symboles soucieux de ses devoirs et droits vis-à-vis de sa société et de ses semblables.
Apprendre un métier à un disciple est une manière de lui permettre de jouir de son droit au travail et de le protéger contre toute sorte d’exploitation. Et le mérite d’EL Hadji Malick SY dans ce domaine est d’avoir très tôt compris que la seule façon de résister à une tentation d’assimilation outrancière d’une quelconque personne, d’une autorité ou d’un système corrompu, c’est d’être indépendant. Et c’est celle relevant d’une vie bien gagnée. Pour lui, l’homme ne doit dépendre de personne. Il doit travailler et se nourrir de la sueur de son front. Ce travail lui permet de subvenir honnêtement à ses besoins, de ne jamais dépendre des autres. Il fera de lui un homme responsable de ses actes devant Allah et la société des hommes.
Durant ce séjour de Ndiarndé, il pesa de tout son poids pour préserver ses disciples de toutes formes d’exploitation possible. Se dégager de l’emprise de toute mystification prétentieuse, d’escroquerie et d’imposture n’a qu’un seul secret : le travail. C’est ainsi qu’il initia dans son programme d’enseignement, le culte du travail.
En somme, Il exhortait tous les disciples à embrasser tous les métiers pouvant leur apporter des satisfactions, des faveurs et des grâces divines, ici-bas et à l’au- delà.
EL Hadji Malick SY à qui tout semblait apparemment réussir durant ce séjour de sept ans, de 1895 à 1902, décida à nouveau de quitter Ndiarndé pour, cette fois- ci, s’installer définitivement à Tivaouane.
La décision de son premier déplacement à Tivaouane qui se situerait entre 1894 et 1897, relève de l’enclavement et de l’inaccessibilité de Ndiarndé. Cette décision prise assez tardivement, résidait dans son souhait de s’installer dans une ville ouverte et accessible qui lui permettrait de mieux décentraliser les efforts consentis pour faire progresser rapidement son enseignement dans les communes et les escales, donc en zones urbaines. D’autant plus que la plupart des séminaristes venaient des villages les plus reculés du Sénégal, il ne douta pas donc du retentissement de son appel dans ces zones rurales. Et la ville de Tivaouane, chef-lieu de cercle semblait attirer son attention. Pour sa première visite, il était venu pour l’exégèse du Coran pour des commerçants.
Pour réussir son entrée dans sa nouvelle terre d’adoption et faire triompher les acquis de Ndiarndé, il a fallu à EL Hadji Malick SY, sur cette terre hostile, de faire preuve de perspicacité, d’efficacité et de contenance dans l’élaboration, l’animation et l’organisation de sa nouvelle résidence. La main du Seigneur et la bénédiction du prophète Mohamed PSL attachée à sa personne viendront, au fur et à mesure, régenter un certain nombre de points dont il ne se souciait guère, comme son statut personnel et celui de Tivaouane qui occupe aujourd’hui une place importante sur l’échiquier national et international, capitale de la confrérie tidiane et plaque tournante de la vie religieuse du Sénégal.
Il s’agissait pour EL Hadji Malick SY d’imposer une nouvelle dynamique novatrice pour résoudre les problèmes de tous les jours.
En 1903, il posa la première pierre de la grande mosquée de Tivaouane et en 1904, les travaux se terminèrent. Il inaugura la première grande mosquée de Tivaouane.
Ainsi, lorsqu’il sentit l’entière disponibilité de toute sa communauté d’adoption, la première décision qu’il prit, fut la construction de sa propre Zâwiya qui a marqué l’évolution historique de l’islam au Sénégal.
la « Zâwiya » d’EL Hadji Malick SY de Tivaouane remplit une fonction bien définie, celle de répondre aux attentes des musulmans, de régler les litiges et conflits. En plus d’être un sanctuaire, elle est une institution sociale, culturelle, éducative, bref, multifonctionnelle.
El Hadji Malick Sy (1855-1922) est une figure éminente de l’islam au Sénégal et le fondateur de la branche Tijaniyya de Tivaouane. Son héritage est vaste, tant dans le domaine spirituel que dans les sciences islamiques. Ses exploits dans le domaine de la critique et des sciences juridiques sont notables à plusieurs niveaux :
Si nous examinons l’œuvre écrite d’EL Hadji Malick SY, nous constatons avec regret qu’il y avait un grand fossé entre lui et les musulmans contemporains. Et cela peut s’expliquer par le fait que ces musulmans, malgré leur profession de foi, gardent un attachement solide et foncier à des croyances sociales et culturelles incompatibles à la foi musulmane.
A côté de ces croyances animistes et pratiques socioculturelles impies, nous constatons encore qu’il y a beaucoup de défiance dans le domaine des droits de l’homme, dans la compréhension mutuelle et dans les considérations sociales et confrériques.
C’est pourquoi dans ces différentes œuvres socioculturelles, EL Hadji Malick SY dénonce les comportements indignes des marabouts, en les invitant à revenir à la lumière du Livre Saint.
Une critique objective contre les transgresseurs de la foi musulmane, du droit islamique et des droits fondamentaux de l’homme. Sans détour, EL Hadji Malick SY pointe le doigt là où le bât blesse sur les pratiques sataniques en violation flagrante du droit islamique et les droits de l’homme. Ainsi, il dénonce entre autres :
– Ceux qui épousent plus de quatre femmes
– Ceux qui épousent une répudiée irrévocablement
– Les comportements des faux marabouts
– Les cadeaux dits Adiyas
– Vivre au nom de la religion
– Prosternation sur les mains des marabouts
– Une mauvaise éducation de la famille
Savant averti doublé d’une intelligence féconde, il est amené à s’interroger sur deux questions juridiques qui ont alimenté la polémique à son époque :
– La zakat sur la graine d’arachide
– L’annonce du début et de la fin du ramadan par la télégraphie
Bref, cette installation définitive à Tivaouane a valu à EL Hadji Malick SY beaucoup plus de stabilité et de considération de la part de la population et de l’administration coloniale. La confrérie tidiane fondée par Cheikh Ahmed Tidiane Cherif 1735- 1815, à laquelle il appartenait, venait enfin d’avoir à sa tête un maître d’une dimension exceptionnelle, un véritable réformateur et un digne propagateur qui a vécu en homme pieux, en saint respecté de tous et en guide digne de confiance. Il a réussi à instaurer durablement son action par :
la clarté de sa vision et l’exactitude de son action,
son amour pour la paix et la stabilité de ce pays,
son islam dépourvu de tout fanatisme et de mythe,
son observance stricte du Coran et de la
Il fut rappelé à Dieu le mardi 27 juin 1922, après la prière de Tisbar, à Tivaouane. La toilette mortuaire fut faite par Abdou Faty Niang, Médoune Lô et Abdoulaye Gueye. La prière funéraire fut dirigée par Mor Khoudia SY sur ordre de Khalifa Ababacar SY.
A la lumière de ce qui précède, on peut dire qu’EL Hadji Malick SY est une personnalité très singulière et particulière qui n’a rien de semblable aux autres par sa démarche hautement scientifique et par sa remarquable réputation de conformiste inégalée, dont le savoir est à la base de toutes les séquences de sa vie.
Au lendemain de son rappel à Dieu, les élégies dédiées en son honneur fusèrent de partout, ici et ailleurs, chacun à sa manière, pour exprimer sa profonde douleur et chanter les réalisations de ce grand érudit que fut EL Hadji Malick SY.
Si certains savants manifestaient leur désolation quant à la perte d’un érudit aussi souple que pragmatique, d’autres magnifiaient les qualités humaines d’un soufi achevé qui témoignait d’un immense savoir d’une grande probité morale.
Aussi, ils se sont assujettis tous, contemporains et successeurs, à la cruauté insupportable de la mort, l’inacceptable qu’il faut apprendre à accepter, pour noyer leurs douleurs et désolations dans la prise de leurs plumes.
Ce parcours exceptionnel d’EL Hadji Malick SY dont la réputation de maître éducateur, de soufi et d’homme de Dieu a fini par s’imposer à tous, a fait éclore grandement et éloquemment, une œuvre littéraire abondante et variée, remarquablement et savamment bien écrite dans une langue arabe qu’il maitrisait à merveille. Cette œuvre constitue, encore de nos jours, non seulement un monument de la littérature mondiale, mais aussi une source intarissable pour qui veut s’abreuver de la pure science.
Une telle réussite aussi grande que vaste qui est foi, vie et action, inspirée des enseignements du Coran et de la Sunna prophétique est naturellement conçue pour structurer l’être humain dans toutes les étapes de sa vie, de la période prénatale à la sépulture. Il y a là, un défi à relever : celui de sa vulgarisation.
Ce gigantesque travail bien réussi devrait absolument obéir à une discipline organisationnelle et un emploi du temps bien rempli et respecté. Ce fut bien le cas.
C’est cette œuvre de haute référence et de notoriété universelle indéniable, riche de 174 œuvres que l’association Sirâj Al-hadra Al-mâlikiyya de Tivaouane a le plaisir de présenter aux lecteurs dans un futur proche. S’il plait au Bon Dieu.
D’autre part, si l’arbre est jugé selon ses fruits, on peut affirmer qu’EL Hadji Malick SY en a eu des centaines. D’éminents maîtres coraniques, jurisconsultes, lettrés prestigieux, intellectuels influents dans leurs milieux sociaux, des soufis, médecins des âmes et hommes de la société éparpillés partout dans le pays, en Afrique et dans le monde sont sortis de ses centres de formation.
Cela grâce à son savoir, sa maitrise de la science, du temps et de l’espace, son sérieux dans l’engagement, son dynamisme, sa probité morale, son expérience tirée de ses différents déplacements et surtout sa maitrise de la cartographie sociologique de ce pays : ses coutumes, ses pratiques, ses mythes et ses croyances, ses forces et faiblesses. De là, il a créé une rupture juste, claire et innovante, maintenant, au lieu d’aller chercher le savoir au prix de sa vie et à ses risques et périls dans divers endroits du pays, l’apprenant reste sur place et la science vient vers lui, c’est parce que le fondateur de l’université populaire de Tivaouane en avait beaucoup et assez. Et cela a contribué à faciliter les déplacements des apprenants et des disciples de façon rapide dans ses deux centres de formation : Ndiarndé et Tivaouane.