Il a laissé derrière lui des contributions significatives à la société des hommes. Il a fait ses humanités, il ne pouvait en être autrement, entre son père Khalifa Ababacar SY et ses deux frères Serigne Mansour et Serigne Cheikh. C’est son père qui l’initia aux arcanes de la voie tijâne et par son coaching spirituel, il accéda très jeune à l’ouverture mystique. Lui-même disait souvent qu’il voyait son défunt père à l’état de veille, plusieurs fois par jour.
Il ne pouvait en être autrement pour ce fils choyé et couvé d’un amour sans limites par un père qui lui avait donné le nom de celui qu’il aimait beaucoup, EL Hadji Malick SY, mais également par ses oncles qui le gâtaient en libéralités.
Ce qui frappait en premier lorsque l’on regardait Serigne Papa Malick SY, c’était cette beauté naturelle, cette élégance sans fioriture, cette sorte de jeunesse éternelle, à presque quatre-vingts ans. L’ex-porte-parole de la famille d’EL Hadji Malick SY semblait respirer la santé, au point que son décès en a surpris plus d’un. Bien sûr que le trépas survient toujours par surprise mais l’on pensait avoir un long bail encore avec lui, hélas le Décret divin en a disposé ainsi. Nous sommes à Dieu et c’est à Lui que nous retournons.
Fidèle disciple de Cheikh Ahmet Tidiane SY, il devint la voix distincte de son maître. Il lui ressemblait en maints points de vue. Comme lui, il était un orfèvre du verbe, ses communications d’une érudition impressionnante et d’une ambition totale apaisaient et ses prises de position politique et sociale libres et assumées jusqu’au bout. Ses gestes étaient aussi élégants que son port, ses mots étaient choisis, sélectionnés, il était en quelque sorte d’un précieux raffinement.
Papa Malick avait faim de tout. Il était un guide aguerri doté de connaissances très étendues, variées et approfondies Laissez-vous porter par le récit de sa vie, mêlée intrinsèquement à son œuvre très diverse ainsi qu’aux événements historiques desquels il fut contemporain.
En effet, lorsque l’on avait l’habitude de l’écouter, l’on ne manquait de noter et sans doute d’être impressionné par le type de socialisation qu’il a connue, rien de plus normal il est vrai, pour un disciple de Serigne Cheikh. Il était tellement ouvert d’esprit et, était-ce le secret de son éternelle jeunesse ?
Si, par épreuve divine, toute l’œuvre intellectuelle d’EL Hadji Malick SY était brûlée, Serigne Mansour pourrait la réécrire intégralement. »
Serigne Mansour SY Borôm Dâraji était très dynamique dans la vie active. Il possédait beaucoup de domaines agricoles et de biens immobiliers presque partout dans le Sénégal.
Professeur très engagé dans l’enseignement et l’éducation, il a formé des centaines de savants, maîtres et imams et a implanté beaucoup d’écoles coraniques dans le pays. Il a géré pendant plus d’une trentaine d’années le dâra de son père où il enseignait du matin au soir.
Mouhamadou Mansour SY Borôm Dâraji est auteur et poète inspiré et engagé dans la défense des enseignements de l’islam et du prophète Mohamed PSL. L’on se rappelle toujours son poème (Tabbat Yadâhum / Que périssent vos mains) qu’il a rédigé contre les caricaturistes du messager d’Allah PSL.
L’on apprenait donc qu’il avait une jeunesse engagée, dans les mouvements associatifs comme dans les cercles politiques gauchisants d’alors. On l’a entendu évoquer ses accointances, mieux son militantisme dans le P.A.I de Majmouth DIOP d’alors, ses rêves de révolutions guévaristes et citer quelques compagnons connus pour ce même idéal dont feu Charles GUEYE, le président Sékou TOURE, qui lui fit l’honneur de l’inviter à une rencontre du comité central duP.D.G (parti démocratique Guinéen).
Ce parcours lui avait assuré une estimable expérience de la chose politique. Plus récemment, au début des années 90, il a fait la prison, sous le régime du président Abdou DIOUF, aux côtés de leaders connus de l’opposition d’alors, dont le plus célèbre reste maître Abdoulaye WADE. Lorsqu’il lui arrivait d’en parler, c’était sans acrimonie. L’engagement militant est certes une preuve de générosité mais aussi de courage. En fait de courage, il avait celui de l’opinion. Pour dire ce qu’il pensait foncièrement, il ne se souciait guère de l’opinion publique, il l’avait assassinée, l’opinion publique.
Après être resté longtemps à l‘ombre comme son mentor, il ne s’est découvert aux jeunes générations de la Hadra qu’au gamou 2013, lorsque Serigne Cheikh, alors khalife général des tidianes eut le coup de génie de réconcilier la famille une nuit de gamou.
Depuis lors, se révéla sa complicité ancienne avec le khalife Serigne Babacar SY Mansour. Et à chacune de leur apparition publique ensemble, les disciples de la Hadra étaient rassurés par ce courant de considération et d’amour réciproques qui passait entre ces deux personnalités emblématiques.
S’il y a quelque chose qui nous manque à nous disciples, c’est aussi ces images de complicité, quand nos maîtres se chambraient en public, mettant du baume dans les cœurs des fidèles. Papa Malick savait plaire.
Apôtre du dialogue islamo-chrétien, il avait des relations privilégiées avec les chrétiens. Il participait à leurs fêtes et festivités culturelles. L’on a toujours en mémoire son déplacement à l’église des Martyrs de l’Ouganda, à Dakar, le 19 décembre 2019, pour présenter ses condoléances après le rappel à Dieu d’un de ses amis chrétiens.
Suivant les traces de son maître, Papa Malick SY, homme respecté par ses paires, convoité par les leaders d’opinions et écouté par les disciples, traitait tout le monde avec considération et admiration. Il a su imposer à tous un discours transcendant toutes les sensibilités confondues, un discours universel tout simplement.
Il entretenait de bonne relation avec toutes les couches de la population sénégalaise. Partout il imposait le respect et l’équité car il ne transigeait pas avec les principes de la justice et de la paix sociales et encore moins avec la cohésion des confréries et des religions. En tant qu’homme d’esprit universel, il a révolutionné la bonne cohabitation.
Le fils cadet de khalifa Ababacar SY est rappelé à Dieu le 25 juin 2020 à Dakar et inhumé à Tivaouane auprès de son maître. Sa prière mortuaire fut dirigée par Serigne Babacar SY Abdoul Aziz. Que le Seigneur ne cesse de leur pourvoir de son agrément.
Tout laisse croire qu’il ne tombera pas dans l’oubli, ce qu’il craignait le plus, disait-il, plus que la mort. « Ce n’est pas mort qui vainc la vie mais vie qui vainc la mort, elle ne peut tenir contre elle[1]. » Et Papa Malick n’a laissé derrière lui qu’une vie remplie et accomplie.
El Hadji Malick Sy (1855-1922) : Son arrière-grand-père, le fondateur de la branche sénégalaise de la confrérie Tidjane. Il est l’une des figures les plus respectées de la Tidjaniya. Serigne Babacar Sy (1885-1957) : Son grand-père, le premier Khalife général des Tidjanes après El Hadji Malick Sy. Il a dirigé la confrérie après le décès de son père. Serigne Mansour Sy Borom Daradji (1900-1996) : Son père, il a été Khalife général des Tidjanes et est connu pour son rôle spirituel important. Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al-Makhtoum (1926-2017) : Demi-frère de Pape Malick Sy, il a été Khalife général des Tidjanes après Serigne Mansour Sy. Serigne Abdoul Aziz Sy Al-Amîne (1928-2017) : Demi-frère de Pape Malick Sy, il a également été Khalife général des Tidjanes après Cheikh Ahmed Tidiane Sy. Serigne Babacar Sy Mansour (né en 1932) : Demi-frère de Pape Malick Sy et actuel Khalife général des Tidjanes.